Déclaration
des 5 organisations de la Fonction publique liminaire
au groupe de travail du 5 juin 2020
Monsieur
le Directeur général de l’Administration et de la Fonction publique
Vous convoquez ce groupe de travail pour discuter du projet de décret
qui fusionne les instances de dialogue social dans la Fonction publique
à l’instar ce qui a été fait pour le secteur privé avec les
conséquences connues de dégradation du dialogue social avec moins de
représentants de personnels et moins de droits syndicaux.
C'est
le premier groupe de travail dans le contexte de crise sanitaire subie
par le pays, qui a en-core été l’occasion de démontrer l’importance
essentielle des services publics et de la fonction pu-blique dans notre
modèle social pour garantir l’accès aux droits sociaux de la
population. A ce titre nous tenons à saluer l’engagement sans faille
des agent.e.s des 3 versants de la fonction publique qui ont démontré,
une nouvelle fois, leur rôle essentiel au service de l’intérêt général
et de la co-hésion sociale.
Cette
réunion a donc une valeur symbolique très forte. Elle pourrait être le
marqueur de votre và-lonté de tirer les conséquences de tous les
enseignements de la crise et de réorienter la politique suivie pour les
agents publics. A la lecture du document malheureusement nous ne
pouvons qu’en douter !
Vous
nous convoquez donc ce matin sur une des dispositions les plus
légitimement contestées avant la crise sanitaire car elle risque de
mettre à mal le dialogue social en général et les CHSCT en particulier.
Vous nous convoquez en particulier sur une disposition de la loi de
transformation de la Fonction publique qui, si elle avait été en
vigueur au moment de la crise sanitaire, n’aurait pas permis de
s’appuyer sur les représentants des CHSCT, n’aurait pas permis toutes
les discussions, y compris contradictoires, que nous avons eues sur les
protocoles sanitaires, les plans de continuité puis de reprise
d’activité, etc. Bref, heureusement que votre loi, unanimement rejetée,
à raison, par l’ensemble des organisations syndicales ici présentes et
dont nous demandons tou-jours l'abrogation, n’était pas encore
complètement appliquée au moment de cette crise, car elle aurait
fragilisé le dialogue social et in fine le fonctionnement des services
ainsi que l’élaboration et la liste des mesures de protection de la
santé de personnels ! Pire, si elle avait été appliquée, elle aurait
certainement aggravé la situation sanitaire.
Et
on peut dire à l’inverse qu’il est bien dommageable pour la fonction
publique et ses personnels que votre loi ait commencé à s’appliquer,
par exemple pour tout ce qui concerne les prérogatives des CAP. On en a
vu déjà les effets négatifs, les recours contre les décisions de
l’administration se multiplient et nombre de personnels, n’ayant plus
de représentants vers qui se tourner, se sen-tent légitimement
maltraités et seuls face à leur administration. De même qu’il est fort
dommage de ne pas avoir prévu une dynamique globale de revalorisation
salariale, élément incontournable de la reconnaissance du travail et
des qualifications des agents : on voit les effets délétères du
dé-classement de professions entières sur l’hôpital public, qui n’a
tenu que par l’engagement et le sens du public hérités du
statut. Ceux-ci n’ont eu de cesse de clamer le manque criant de moyens,
de dénoncer des salaires trop bas et une gestion technocratique,
celle-là même que vous souhaitez renforcer par votre loi et qui est une
entrave au bon fonctionnement des services.
Dans
cette situation, il nous semble donc que la programmation d’une
véritable réunion permettant d’analyser le fonctionnement des services
publics pendant la crise, les conséquences des poli-tiques et
orientations depuis trop d’années pour la fonction publique organisée
en préalable à toute reprise de l’agenda social, serait le vrai signal
de nature à démontrer votre volonté d’en tirer véri-tablement les
enseignements Or, avec le calendrier tel que vous nous le proposez,
c’est, au con-traire, le monde d’avant… mais en pire qui se profile.
Votre priorité? C’est la poursuite obsession-nelle de l’application des
mesures de la loi dite « de transformation de la fonction publique »,
et après seulement évoquer les conséquences de la crise sans en tirer
les enseignements. Pour les agents que nous représentons, ce choix
n’est que mépris !
Le
document qui nous a été remis en amont de ce groupe de travail prévoit
toujours la fusion des instances, sans que les élus des nouvelles
formations spécialisées aient les mêmes droits et pré-rogatives que
ceux des actuels CHSCT Cette fusion, nous nous y opposons, non par
dogmatisme mais parce qu’elle n’est fondée sur au-cun bilan du
fonctionnement réel des CT et des CHSCT dans la fonction publique.
Nous
nous y opposons parce qu’avec elle vous transposez au public une
réforme imposée au pri-vé et pour laquelle vous n’avez aucune
plus-value en termes de santé au travail sauf le recul effec-tif de la
représentation syndicale, notamment sur les questions de santé et de
sécurité au travail qui restent non seulement une obligation des
employeurs publics mais surtout un droit fondamen-tal des salarié.e.s .
Nous
nous y opposons car à l’inverse de votre rhétorique, elle va entrainer
un recul des questions de santé, sécurité et conditions de travail,
dans un monde où ces questions vont devenir de plus en plus centrales.
Comment pouvez-vous imaginer que le dialogue social soit amélioré par
la fusion de deux ins-tances qui, aujourd’hui, travaillent sur des
angles d’approche différents pour mieux discuter des sujets
d’organisations des services publics, de règles statutaires qui
participent aussi de l’organisation du travail ? Les thématiques
proposées pour ce groupe de travail le montrent bien.
-
Comment pouvez-vous garantir que la cartographie que vous annoncez ne
va pas réduire le nombre d’instances traitant de la santé, de la
sécurité et des conditions de travail ?
-
Vous proposez de limiter la création d’une formation spécialisée SSCT
en fonction du nombre d’agents ?? Quel manque d’ambition et de
considération pour la santé des agents publics !
-
Comment pouvez-vous prétendre que la réduction automatique du nombre de
représentants des personnels qui vont devoir en outre être polyvalents,
va permettre maintenir le niveau d’expertise en santé, sécurité et
conditions de travail ? De « maintenir le niveau de professionnalité
des re-présentants du personnel » comme vous le dites ?
-
Alors que les CHSCT sont maintenant connus des agents et encore plus
depuis le début de la crise que nous traversons, comment pouvez-vous
penser qu’une « formation spécialisée » adossée à un conseil social
apportera plus de « lisibilité » ? Vous proposez de brouiller les
cartes avec une nouvelle instance dont le nom n’évoquera rien à
personne.
-
Vous annoncez que les prérogatives que sont l’expertise, l’analyse des
risques professionnels, la contribution à la prévention des risques,
les visites de site, les enquête, le droit d’alerte et de retrait
seraient maintenus - c’est bien la moindre des choses - et clarifiés ;
mais en quoi ont-ils besoin d’être clarifiés ? Nous demandons, et ce de
manière récurrente que ces droits des per-sonnels et de leurs
représentants soient renforcés, comme c’était prévu - même si c’était
insuffisant - par la circulaire de mars 2017.
-
La subordination de la formation spécialisée à l’instance plénière
paraît à l’inverse entrainer un recul, notamment au travers du rôle qui
vous semblez vouloir attribuer de manière exclusive au président du
CSA, qui pourra en pratique et en droit clore une question de santé au
travail et ainsi empêcher la formation spécialisée de s’en saisir, en
l’«évoquant» en CSA, comme vous l’écrivez. Pensez-vous que l’évocation
d’une problématique de santé au travail permette de pré-venir les
risques professionnels ?
-
Le principe de subsidiarité que vous proposez ne va-t-il pas favoriser
l’effacement des questions de santé et sécurité au travail en empêchant
la formation spécialisée de se saisir d’une question ?
Avec
votre projet, les possibilités d’interpellation des CHSCT vont
disparaître, réglementairement ou en pratique par la réduction de
l’instance et de la représentation syndicale. De ce fait, les
em-ployeurs publics auront beau jeu de prétendre leur ignorance de
situations dangereuses ou préoc-cupantes, par impossibilité ou
difficulté accrues à les faire connaître et reconnaître en instance.
Vous
proposez enfin, pour mettre en oeuvre cette disparition des CHSCT trois
groupes de travail à un rythme soutenu, ce qui dévoile un certain
empressement et suppose de votre part un projet probablement très
abouti. Nous vous demandons donc d’abandonner ce programme de travail
pour partir sur d’autres bases, pour renforcer et non diluer les
questions de santé, sécurité et conditions de travail, à partir d’un
bilan qualitatif du fonctionnement des CHSCT prenant en compte la crise
que nous traversons et les enjeux du travail dans un monde qui ne doit
plus être celui qu’il a été.
Et
donc avant de poursuivre toute discussion aujourd’hui, nous demandons
de retirer ce document pour consacrer la réunion au rôle et à l’utilité
des CHSCT pendant la période, et aux possibilités de renforcement de
leurs prérogatives.